Page:Verne - Cinq Semaines en ballon.djvu/67

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— Jusqu’ici, nous n’avons pas à nous plaindre, mon maître. Le pays le plus cultivé et le plus fertile du monde, au lieu d’un désert ! Croyez donc aux géographes !

— Attendons, Joe, attendons ; nous verrons plus tard. »

Vers six heures et demie du soir, le Victoria se trouva en face du mont Duthumi ; il dut, pour le franchir, s’élever à plus de trois mille pieds, et pour cela le docteur n’eut à élever la température que de dix-huit degrés[1]. On peut dire qu’il manœuvrait véritablement son ballon à la main. Kennedy lui indiquait les obstacles à surmonter, et le Victoria volait par les airs en rasant la montagne.

À huit heures, il descendait le versant opposé, dont la pente était plus adoucie ; les ancres furent lancées au dehors de la nacelle, et l’une d’elles, rencontrant les branches d’un nopal énorme, s’y accrocha fortement. Aussitôt Joe se laissa glisser par la corde et l’assujettit avec la plus grande solidité. L’échelle de soie lui fut tendue, et il remonta lestement. L’aérostat demeurait presque immobile, à l’abri des vents de l’est.



Le repas du soir fut préparé ; les voyageurs, excités par leur promenade aérienne, firent une large brèche à leurs provisions.

« Quel chemin avons-nous fait aujourd’hui ? » demanda Kennedy en avalant des morceaux inquiétants.

Le docteur fit le point au moyen d’observations lunaires, et consulta l’excellente carte qui lui servait de guide ; elle appartenait à l’atlas « der Neuester Entedekungen in Afrika », publié à Gotha par son savant ami Petermann, et que celui-ci lui avait adressé. Cet atlas devait servir au voyage tout entier du docteur, car il contenait l’itinéraire de Burton et Speke aux Grands Lacs, le Soudan d’après le docteur Barth, le bas Sénégal d’après Guillaume Lejean, et le delta du Niger par le docteur Baikie.

Fergusson s’était également muni d’un ouvrage qui réunissait en un seul corps toutes les notions acquises sur le Nil, et intitulé : « The sources of the Nile, being a general survey of the basin of that river and of its head stream, with the history of the Nilotic discovery by Charles Beke, th. D. »

Il possédait aussi les excellentes cartes publiées dans les « Bulletins de la Société de Géographie de Londres, » et aucun point des contrées découvertes ne devait lui échapper.

En pointant sa carte, il trouva que sa route latitudinale était de deux degrés, ou cent vingt milles dans l’ouest[2].

Kennedy remarqua que la route se dirigeait vers le midi. Mais cette

  1. 10° centigrades.
  2. Cinquante lieues.