Page:Verne - Cinq Semaines en ballon.djvu/70

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— Guéri ! ma foi ! Samuel, si tu as dans ta pharmacie de voyage quelque drogue qui me remette sur pied, administre-la-moi sans retard. Je l’avalerai les yeux fermés.

— J’ai mieux que cela, ami Dick, et je vais te donner un fébrifuge qui ne coûtera rien.

— Et comment feras-tu ?

— C’est fort simple. Je vais tout bonnement monter au-dessus de ces nuages qui nous inondent, et m’éloigner de cette atmosphère pestilentielle. Je te demande dix minutes pour dilater l’hydrogène. »

Les dix minutes n’étaient pas écoulées que les voyageurs avaient dépassé la zone humide.

« Attends un peu, Dick, et tu vas sentir l’influence de l’air pur et du soleil.

— En voilà un remède ! dit Joe. Mais c’est merveilleux !

— Non ! c’est tout naturel.

— Oh ! pour naturel, je n’en doute pas.

— J’envoie Dick en bon air, comme cela se fait tous les jours en Europe, et comme à la Martinique je l’enverrais aux Pitons[1] pour fuir la fièvre jaune.

— Ah ça ! mais c’est un paradis que ce ballon, dit Kennedy déjà plus à l’aise.

— En tout cas, il y mène », répondit sérieusement Joe.

C’était un curieux spectacle que celui des masses de nuages agglomérées en ce moment au-dessous de la nacelle ; elles roulaient les unes sur les autres, et se confondaient dans un éclat magnifique en réfléchissant les rayons du soleil. Le Victoria atteignit une hauteur de quatre mille pieds. Le thermomètre indiquait un certain abaissement dans la température. On ne voyait plus la terre. À une cinquantaine de milles dans l’ouest, le mont Rubeho dressait sa tête étincelante ; il formait la limite du pays d’Ugogo par 36° 20′ de longitude. Le vent soufflait avec une vitesse de vingt milles à l’heure, mais les voyageurs ne sentaient rien de cette rapidité ; ils n’éprouvaient aucune secousse, n’ayant pas même le sentiment de la locomotion.

Trois heures plus tard, la prédiction du docteur se réalisait. Kennedy ne sentait plus aucun frisson de fièvre, et déjeuna avec appétit.

« Voilà qui enfonce le sulfate de quinine, dit-il avec satisfaction.

— Décidément, fit Joe, c’est ici que je me retirerai pendant mes vieux jours. »

  1. Montagne élevée de la Martinique.