pour satisfaire une curiosité très naturelle, mais aussi pour calmer ses inquiétudes. En effet, sachant que son secret est connu de la personne qui lui a parlé à travers le panneau de sa caisse, si la pensée lui venait de descendre à l’une des stations, de faire le sacrifice de son voyage, de renoncer à rejoindre Mlle Zinca Klork, afin d’échapper aux poursuites de la Compagnie… C’est possible, après tout, et mon intervention aurait été nuisible à ce pauvre garçon… sans compter que je perdrais mon numéro 11, l’un des plus précieux de ma collection.
Je suis donc résolu à lui rendre visite avant l’aube prochaine. Toutefois, par surcroît de prudence, j’attendrai que le train ait dépassé la station de Tchardjoui, où il doit arriver à deux heures vingt-sept du matin. On fait là une halte d’un quart d’heure, avant de remonter vers l’Amou-Daria. Popof ira ensuite se blottir au fond de sa logette, et je pourrai me glisser à l’intérieur du fourgon, sans craindre d’être aperçu.
Combien les heures me parurent longues ! À plusieurs reprises, j’ai failli succomber au sommeil. Aussi suis-je allé deux ou trois fois prendre l’air sur la plate-forme.
À la minute réglementaire, le train entre en gare de Tchardjoui, — verste mille cinquième. C’est une importante ville du khanat de Boukharie que le Transcaspien atteignit vers la fin de novembre 1886, dix-sept mois après la pose de la première traverse. Nous ne sommes plus qu’à douze verstes de l’Amou-Daria, et c’est au delà du fleuve que j’ai l’intention de procéder à mon opération.
J’ai dit que l’arrêt à Tchardjoui doit durer un quart d’heure. Quelques voyageurs descendent, car ils sont à destination de cette ville, dont la population compte trente mille habitants. D’autres montent pour se rendre à Boukhara et à Samarkande, mais uniquement dans les wagons de deuxième classe. Il se produit donc un certain mouvement sur le quai.
Moi aussi, je suis descendu, et je me promenais près du fourgon de tête, lorsque je vois sa porte s’ouvrir et se refermer sans bruit.