Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/220

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beurre frais à boutons de métal avec bouquet à la boutonnière, cravate à diamant invraisemblable, culotte ponceau à boucles de cuivre, gilet semé de fleurettes, bas chinés, gants de filoselle, escarpins noirs et chapeau gris à longs poils. Combien notre comédien a-t-il dû jouer de mariés ou plutôt d’oncles de mariés de village dans cette tenue traditionnelle !… Il est d’ailleurs superbe, la face épanouie, la barbe rasée de près, les joues bleuâtres, l’œil émerillonné, les lèvres rosées.

Mme Caterna n’est pas moins endimanchée que lui. Ce costume de demoiselle d’honneur, elle l’a aisément emprunté à sa garde-robe : corsage bien pris avec rayures entrecroisées, jupe courte en laine verte, bas mauves soigneusement tirés, chapeau de paille orné de fleurs artificielles auxquelles il ne manque que le parfum, un soupçon de noir sur les paupières et de rouge sur les pommettes. C’est la dugazon de province, et si son mari et elle veulent jouer quelque paysannerie après le dîner de noce, je leur promets force bravos.

C’est à neuf heures que doit être célébré le mariage, annoncé par la cloche du tender, qui sonnera à toute volée, comme une cloche de chapelle. Avec un peu de sens imaginatif, on pourra se croire au village. Mais où cette cloche appellera-t-elle les témoins et les invités ?… Dans le wagon-restaurant, qui a été très convenablement disposé pour la cérémonie, je m’en suis rendu compte.

Ce n’est plus un dining-car, c’est un « hall-car », si l’on veut bien admettre cette expression. La grande table, démontée, a fait place à une petite table, qui servira de bureau. Quelques fleurs, achetées à la station de Tchertchen, sont accrochées aux angles du wagon, lequel est assez vaste pour contenir la plupart des assistants. D’ailleurs, ceux qui ne pourront pas trouver place à l’intérieur resteront sur les plates-formes.

Le personnel voyageur a été prévenu par une simple pancarte, apposée à la porte des wagons de première et de deuxième classe. Elle est libellée en ces termes :