de la soirée. Il est bien temps, maintenant qu’il fait nuit, — et une nuit très obscure !
Je vais à la buvette de la gare, où j’achète quelques gâteaux et une bouteille de vin. Mon intention est de rendre une dernière visite à Kinko. Nous boirons ensemble à sa santé, à son prochain mariage avec la jolie Roumaine. Il aura voyagé en fraude, je le sais bien, et si le Grand-Transasiatique le savait… Mais le Grand-Transasiatique ne le saura pas.
Pendant la halte, le seigneur Faruskiar et Ghangir se promènent sur le quai, le long du train. Cette fois, ce n’est point le wagon au trésor qui attire leur attention, c’est le fourgon de tête, et ils semblent y mettre une extrême insistance.
Est-ce qu’ils se douteraient que Kinko ?… Non ! cette hypothèse est invraisemblable. Ce sont le chauffeur et le mécanicien qui paraissent être plus particulièrement l’objet de leur examen. Ce sont deux braves Chinois, qui viennent de prendre leur tour de service, et peut-être le seigneur Faruskiar n’est-il pas fâché de voir à quelles gens est confiée, avec le trésor impérial, la vie d’une centaine de voyageurs ?…
L’heure du départ sonne et à minuit la machine démarre en lançant de violents coups de sifflet.
Ainsi que je l’ai dit, la nuit est très noire, sans lune, sans étoiles. De longs nuages rampent à travers les basses zones de l’atmosphère. Il me sera facile de m’introduire dans le fourgon sans être aperçu. Au total, je n’aurai pas abusé de mes visites à Kinko pendant ces douze jours de voyage.
En ce moment, Popof me dit :
« Vous n’allez pas dormir, monsieur Bombarnac ?
— Je ne tarderai pas, ai-je répondu. Après cette journée brumeuse qui nous a chambrés dans nos wagons, j’ai besoin de respirer en plein air. Où le train doit-il s’arrêter ?…
— À Fuen-Choo, lorsqu’il aura dépassé le point où vient s’embrancher la ligne de Nanking.