saluer, prenant sa gauche en véritable Londonien, il s’en va d’un pas mesuré, et quitte la gare.
Comment, vous n’avez rien dit ?… Non ! Je suis demeuré stupide… Il ne m’est venu ni une parole ni un geste… J’ai été complètement interloqué devant cette impolitesse ultra-britannique, tandis que le major Noltitz n’a pu retenir un franc éclat de rire.
Ah ! si je le retrouve, ce gentleman… Mais jamais plus je n’ai revu sir Francis Trevellyan de Trevellyan-Hall, Trevellyanshire !
Une demi-heure après, nous sommes installés à l’Hôtel des Dix mille Songes. Là, on nous sert un dîner confectionné suivant les règles de l’invraisemblable cuisine céleste. Le repas terminé, dès la deuxième veille — pour employer le langage chinois — couchés dans des lits trop étroits au milieu de chambres peu confortables, nous nous endormons, non du sommeil du juste, mais du sommeil des éreintés, — qui le vaut bien.
Je ne me suis pas réveillé avant dix heures, et peut-être aurais-je dormi toute la matinée, si la pensée ne m’était revenue que j’avais un devoir à remplir. Et quel devoir ! Me rendre à l’Avenue Cha-Coua, avant que livraison de la funeste caisse ait été faite à sa destinataire, Mlle Zinca Klork.
Je me lève donc. Ah ! si Kinko n’avait pas succombé, je serais retourné à la gare… j’aurais assisté, comme je le lui avais promis au déchargement du colis précieux… j’aurais veillé à ce qu’il fût arrimé comme il fallait sur le camion… je l’aurais accompagné jusqu’à l’avenue Cha-Coua… j’eusse même aidé à le transporter dans la chambre de Mlle Zinca Klork !… Et quelle double explosion de joie, lorsque le fiancé se serait élancé à travers le panneau pour tomber dans les bras de la jolie Roumaine…
Mais non ! Et lorsque cette caisse arrivera, elle sera vide, — vide comme un cœur dont tout le sang s’est échappé !
Je quitte l’Hôtel des Dix milles Songes vers onze heures, j’avise une de ces voitures chinoises qui ressemblent à des palanquins à roues, je donne l’adresse de Mlle Zinca Klork, et me voici en route.