revient alors à la mémoire que d’autres originaux ont déjà voyagé de cette façon exceptionnelle. En 1889, 1891 et 1892, un tailleur autrichien, Hermann Zeitung, est venu de Vienne à Paris, d’Amsterdam à Bruxelles, d’Anvers à Christiania dans une caisse, et deux fiancés de Barcelone, Erres et Flora Anglora, ont partagé la même boîte… de conserve, en traversant l’Espagne et la France.
Mais, par prudence, il faut attendre que Popof ait définitivement réintégré sa logette. Le train ne doit pas s’arrêter avant Ghéok-Tepé, à une heure du matin. Pendant le trajet entre Kizil-Arvat et Ghéok-Tepé, je compte que ledit Popof ne négligera pas de faire un bon somme, et ce sera, ou jamais, l’occasion de mettre mon projet à exécution.
Tiens, une idée ! Si c’était Zeitung, qui fait métier de ce genre de locomotion et soutire ainsi quelque argent à la générosité publique ?… Ce doit être lui… ce ne peut être que lui !… Diable ! sa personnalité n’est guère intéressante !… Et moi qui comptais sur cet intrus… Nous verrons bien, d’ailleurs, je le connais par ses photographies, et peut-être pourrai-je l’utiliser…
Une demi-heure après le départ, le bruit d’une porte qui se ferme sur la plate-forme antérieure de notre wagon m’apprend que le chef du train vient de regagner sa logette. Malgré mon désir d’aller rendre visite au fourgon de bagages, je me résigne à la patience, car il est possible que Popof ne soit pas encore au plus fort de son sommeil.
Au dedans, tout est tranquille, sous la lumière voilée des lampes. Au dehors, nuit très sombre, frémissements du train, qui se confondent avec les sifflements d’une brise assez fraîche.
Je me relève, j’écarte le rideau de l’une des lampes, je regarde ma montre…
Il est onze heures et quelques minutes. Encore deux heures avant l’arrêt à Ghéok-Tepé.
Le moment est venu. Après m’être glissé entre les sièges jusqu’à la porte du wagon, je l’ouvre doucement et la referme de même,