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XIV

Dans lequel Tlemcen n’est pas visitée avec le soin que mérite cette charmante ville.

Sebdou, un chef-lieu de cercle, une commune mixte de seize cents habitants, — à peine quelques douzaines de Français, — est située au milieu d’un pays dont les sites sont de toute beauté, le climat d’une salubrité exceptionnelle, la campagne d’une fertilité incomparable. On dit même qu’elle fut la Tafraoua des indigènes !… Et, pourtant, Jean Taconnat s’en « fichait comme un esturgeon d’un cure-dents », ainsi que l’aurait pu dire Clovis Dardentor, au risque de froisser les délicatesses de son fidèle serviteur.

En effet, ce pauvre Jean n’avait décoléré ni depuis l’arrivée à El-Gor, ni depuis l’arrivée à Sebdou ? Pendant le restant de la journée que la caravane passa dans cette petite bourgade, il ne fut pas possible de le tirer de sa chambre. Marcel Lornans dut l’abandonner à lui-même. Il ne voulait voir ni recevoir personne. Cette reconnaissance qu’il devait, en somme, au courageux Perpignanais, il s’estimait incapable de la ressentir, encore moins de l’exprimer. S’il eût sauté au cou de son sauveur, quelle envie féroce il aurait eue de l’étrangler.

Il résulte de ceci que seuls M. Dardentor et Marcel Lornans, sans parler de quelques autres touristes, fidèles au programme du voyage, visitèrent consciencieusement Sebdou. Les dames, mal remises encore de leur émotion et de leurs fatigues, avaient pris la résolution de consacrer cette journée au repos — résolution dont fut fort marri Marcel Lornans, car il ne rencontra Louise Elissane qu’au déjeuner et au dîner.