Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/233

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« Est-ce vrai ?… Est-ce sérieux ?… Mais ouvrez-moi donc votre bouquin de cœur que je lise dedans !… »

Il ne le fit pas. À quoi bon ?… Ce jeune homme sans fortune que n’accepterait jamais la pratique et intéressée Mme Elissane !… Et puis… lui… l’ami des Désirandelle…

Il advint de tout ceci que notre Perpignanais ne tira pas ce qu’il attendait de cette ville, située dans une position vraiment admirable, sur une terrasse à huit cents mètres d’altitude, au flanc des coupures à pic du mont Terni qui se détache des massifs du Nador, d’où la vue s’étend sur les plaines de Pisser et de la Tafna, sur les vallées inférieures dont les vergers succèdent aux jardins, une zone de verdure de douze kilomètres, riche en orangeries et en olivettes, véritable forêt de noyers séculaires, de térébinthes aux puissantes floraisons, sans parler de la variété des arbres à fruits, des plantations d’oliviers par centaines de mille.

Inutile d’ajouter que tous les rouages de l’administration française fonctionnent à Tlemcen avec une régularité de machine Corliss. En ce qui concerne ses établissements industriels, M. Dardentor eût pu choisir entre les moulins à farine, les huileries, les tissages, principalement ceux qui fabriquent l’étoffe des burnous noirs. Il fit même l’acquisition d’une délicieuse paire de babouches dans un magasin de la place Cavaignac.

« Elles me paraissent un peu petites pour vous, observa Jean Taconnat d’un ton railleur.

— Parbleu !

— Et un peu cher ?

— On a de la monnaie !

— Alors vous les destinez ?… demanda Marcel Lornans.

— À une gentille personne », répondit M. Dardentor avec un fin, très fin clignement de l’œil.

Voilà ce que n’aurait pu se permettre Marcel Lornans, et, pourtant, tout l’argent du voyage, il eût été heureux de le dissiper en cadeaux pour la jeune fille.