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césar cascabel.

ment campé, les jambes écartées, les reins saillants, le torse largement développé. Sur son épaule droite, Jean s’était hissé lestement, donnant la main à Clou, debout sur son épaule gauche. À son tour, Sandre s’était placé droit sur sa tête et, au-dessus de lui, Napoléone couronnait l’édifice, arrondissant ses deux bras pour envoyer des baisers à la foule.

La pyramide française était à peine construite, qu’une autre, la pyramide indigène, se dressa en face d’elle. Sans quitter ses masques, le groupe s’est disposé, non plus sur cinq mais sur sept échelons, et domine d’un étage la famille Cascabel. Pyramide contre pyramide !

Et alors, cette fois, cris et hurrahs des Indiens, qui éclatent en l’honneur de leurs tribus. La vieille Europe était vaincue par la jeune Amérique, et quelle Amérique !… Celle des Co-Youkons, des Tananas et des Tatanchoks !

M. Cascabel, honteux et confus, n’ayant pu retenir un faux mouvement, faillit précipiter sa famille à terre.

« Ah ! c’est comme cela ! dit-il, après s’être débarassé de son fardeau humain.

— Calmez-vous, mon ami ! lui dit M. Serge. Cela ne vaut pas la peine de…

— Pas la peine !… On voit bien que vous n’êtes pas artiste, monsieur Serge ! »

Puis, se retournant vers sa femme :

« Allons, Cornélia, la lutte à main plate ! s’écria-t-il. Nous verrons lequel de ces sauvages osera se mesurer avec la « vainqueresse de Chicago ! »

Mme Cascabel ne bougea point.

« Eh bien, Cornélia ?…

— Non, César !

— Tu ne veux pas lutter avec ces singes et relever l’honneur de la famille ?…

— Je le relèverai, se contenta de répondre Cornélia. Laisse-moi faire… J’ai mon idée ! »