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le détroit de behring.

l’obscurité. Çà et là, l’ice-field présentait de larges crevasses et, dans l’impossibilité de les éviter, faute de les voir, il aurait pu se produire quelque catastrophe. Il était convenu que, dès que la portée du regard se limiterait à une centaine de pas seulement, la Belle-Roulotte ferait halte. Mieux valait mettre quinze jours à franchir les vingt lieues du détroit que de se risquer en aveugles, lorsque la clarté ne serait plus suffisante.

La neige, qui n’avait cessé de tomber pendant vingt-quatre heures, en formant un tapis assez épais, s’était cristallisée sous l’action du froid. Cette couche rendait la locomotion moins pénible à la surface de l’ice-field. S’il ne neigeait plus, la traversée du détroit serait facile. Cependant il était à craindre qu’à la rencontre des deux courants froid et chaud, qui se contrariaient pour prendre chacun un chenal différent, les glaçons, heurtés pendant leur dérive, ne se fussent accumulés les uns sur les autres. Cela étant, la route s’allongerait de nombreux détours.

Il a été dit que Cornélia, Kayette et Napoléone avaient pris place dans la voiture. Afin de l’alléger autant que possible, les hommes devaient faire le trajet à pied.

Selon l’ordre de marche adopté, Jean était, comme éclaireur, chargé de reconnaître l’état de l’ice-field ; on pouvait se fier à lui. Il était muni d’une boussole et, bien qu’il ne lui fût guère possible de prendre des points de repère très exacts, il se dirigeait vers l’ouest avec une précision suffisante.

À la tête de l’attelage se tenait Clou, prêt à soutenir ou à relever Vermout et Gladiator, s’ils faisaient un faux pas ; mais la solidité de leurs jambes était assurée par la ferrure à glace de leurs sabots. D’ailleurs, cette surface ne présentait aucune aspérité contre laquelle ils eussent pu buter.

Près de la voiture, M. Serge et César Cascabel, les lunettes aux yeux, bien encapuchonnés ainsi que leurs compagnons, cheminaient en causant.

Quant au jeune Sandre, il eût été malaisé de lui assigner une place