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deux ans de vacances.

C’est alors qu’il y eut lieu de se préoccuper de résoudre une autre question. Ordinairement, l’eau, nécessaire aux besoins de French-den, était puisée dans le rio, à mer basse, afin qu’elle ne fût point saumâtre. Mais, lorsque la surface du rio serait entièrement congelée, il deviendrait impossible d’opérer de la sorte. Gordon s’entretint donc avec Baxter, son « ingénieur ordinaire », des mesures qu’il conviendrait de prendre. Baxter, après réflexions, proposa d’établir une conduite à quelques pieds sous la berge, afin qu’elle ne gelât point, conduite qui amènerait l’eau du rio dans Store-room. C’était là un travail difficile, dont Baxter ne se fût jamais tiré, s’il n’avait eu à sa disposition un des tuyaux de plomb qui servaient à l’alimentation des toilettes à bord du Sloughi. Enfin, après de nombreux essais, le service de l’eau fut assuré à l’intérieur de Store-room. Quant à l’éclairage, il y avait encore assez d’huile pour les lampes des fanaux ; mais, après l’hiver, il serait nécessaire de s’en approvisionner, ou tout au moins de fabriquer des chandelles avec les graisses que Moko mettait en réserve.

Ce qui donna encore quelques soucis pendant cette période, ce fut de pourvoir à l’alimentation de la petite colonie, car la chasse et la pêche ne fournissaient plus leur tribut habituel. Sans doute, quelques animaux, poussés par la faim, vinrent plus d’une fois rôder sur Sport-terrace. Mais ce n’étaient que des chacals que Doniphan et Cross se contentaient d’écarter à coups de fusil. Un jour même, ils arrivèrent en troupe – une vingtaine – et on dut barricader solidement les portes du hall et de Store-room. Une invasion de ces carnassiers, rendus féroces par les privations, eût été redoutable. Toutefois, Phann les ayant signalés à temps, ils ne parvinrent point à forcer l’entrée de French-den.

Dans ces conditions fâcheuses, Moko fut obligé de prendre quelque peu sur les provisions du yacht que l’on s’appliquait à ménager le plus possible. Gordon ne donnait pas volontiers l’autorisation d’en disposer, et c’était avec chagrin qu’il voyait s’allonger sur son carnet la colonne des dépenses, quand celle des recettes