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Page:Verne - Deux Ans de vacances, Hetzel, 1909.djvu/355

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deux ans de vacances.

se fût aussitôt dispersé, en risquant d’incendier les branches mortes accumulées sur le sol.

Et puis, l’émotion les tenait en éveil. Cette barque, d’où venait-elle ?… Ces naufragés, à quelle nation appartenaient-ils ?… Y avait-il donc des terres dans le voisinage, puisqu’une embarcation avait pu accoster l’île ?… À moins qu’elle ne provînt de quelque navire, qui venait de sombrer dans ces parages au plus fort de la bourrasque ?

Ces diverses hypothèses étaient admissibles, et, pendant les rares instants d’accalmie, Doniphan et Wilcox, pressés l’un contre l’autre, se les communiquaient à voix basse.

En même temps, leur cerveau en proie aux hallucinations, ils s’imaginaient entendre des cris lointains, lorsque le vent mollissait quelque peu, et, prêtant l’oreille, ils se demandaient si d’autres naufragés n’erraient pas sur la plage ? Non ! ils étaient dupes d’une illusion de leurs sens. Aucun appel désespéré ne retentissait au milieu des violences de la tempête. Maintenant, ils se disaient qu’ils avaient eu tort de céder à ce premier mouvement d’épouvante !… Ils voulaient s’élancer vers les brisants, au risque d’être renversés par la rafale !… Et pourtant, au milieu de cette nuit noire, à travers une grève découverte que balayaient les embruns de la marée montante, comment auraient-ils pu retrouver l’endroit où s’était échouée l’embarcation chavirée, la place où les corps gisaient sur le sable ?

D’ailleurs, la force morale et la force physique leur manquaient à la fois. Depuis si longtemps qu’ils étaient livrés à eux-mêmes, après s’être peut-être crus des hommes, ils se sentaient redevenir des enfants en présence des premiers êtres humains qu’ils eussent rencontrés depuis le naufrage du Sloughi, et que la mer avait jetés à l’état de cadavres sur leur île !

Enfin, le sang-froid reprenant le dessus, ils comprirent ce que le devoir leur commandait de faire.

Le lendemain, dès que le jour aurait paru, ils retourneraient à