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Page:Verne - En Magellanie.djvu/14

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JULES VERNE

EN MAGELLANIE

i

LE GUANAQUE

C’était un gracieux animal, — le cou long et d’une courbure élégante, la croupe arrondie, les jambes nerveuses et effilées, le corps aplati, la robe d’un rouge fauve tacheté de blanc, la queue courte, en panache, très fournie de poils. Son nom dans le pays, guanaco, guanaque. Vus de loin, ces ruminants ont été souvent pris pour des chevaux montés, et plus d’un voyageur, trompé par cette apparence, a cru apercevoir toute une bande de cavaliers, courant dans un certain ordre à travers les interminables plaines de la région.

Ce guanaque était seul, à un quart de mille en arrière du littoral. Il vint s’arrêter, non sans défiance, sur la crête d’un monticule au milieu d’une vaste prairie où les joncs se frôlaient bruyamment et dardaient leurs pointes aiguës entre les touffes de plantes épineuses. Le museau tourné au vent, il aspirait les émanations qu’une légère brise apportait de l’est. L’œil attentif, inquiet même, il craignait quelque surprise. L’oreille dressée, pivotante, il écoutait, et, au moindre bruit suspect, il eût pris la fuite. Sans doute, une balle peut frapper ce défiant animal, si le fusil du chasseur est de grande portée, une flèche également, si le tireur s’est abrité derrière un buisson ou une roche. Mais il est rare que le lazzo parvienne à envelopper un guanaque de ses multiples replis. Grâce à sa prodigieuse agilité, à sa vitesse qui est supérieure à celle du cheval, il s’est rapidement dérobé et quelques bonds l’ont aussitôt mis hors d’atteinte.