Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

triotes contre la tyrannie anglo-saxonne, répliqua Jean, et cette circonstance se présentera prochainement. Ainsi, dans quelques jours, les députés de l’opposition vont refuser au gouverneur général le droit qu’il prétend avoir de disposer des revenus publics, sans l’autorisation de la Chambre. En outre, je sais de source certaine que le Parlement anglais a l’intention d’adopter une loi qui permettrait à lord Gosford de suspendre la constitution de 1791. Dès lors, les Canadiens français ne trouveraient plus aucune garantie dans le régime représentatif attribué à la colonie, et qui, pourtant, leur laisse si peu de liberté d’action ! Nos amis, et avec eux les députés libéraux, tenteront de résister à cet excès de pouvoir. Très probablement, lord Gosford, pour mettre un frein aux revendications des réformistes, prendra un arrêté de dissolution, ou tout au moins de prorogation de la Chambre. Ce jour-là, le pays se soulèvera, et nous n’aurons plus qu’à le diriger.

— Vous avez raison, répondit M. de Vaudreuil, il n’est pas douteux qu’une telle provocation de la part des loyalistes amènerait la révolte générale. Mais le Parlement anglais osera-t-il aller jusque-là ? Et, si cet attentat contre les droits des Franco-Canadiens se produit, êtes-vous assuré que ce sera bientôt ?

— Dans quelques jours, dit Jean. Sébastien Gramont m’en a avisé.

— Et, jusque-là, demanda Clary, comment ferez-vous pour échapper…

— Je saurai dépister les agents.

— Avez-vous donc en vue un refuge ?…

— J’en ai un.

— Vous y serez en sûreté ?

— Plus que partout ailleurs.

— Loin d’ici ?…

— À Saint-Charles, dans le comté de Verchères.

— Soit, dit M. de Vaudreuil. Personne ne peut être meilleur juge que vous de ce qu’exigent les circonstances. Si vous pensez devoir tenir absolument secret le lieu de votre retraite, nous n’insisterons