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LA DESTINÉE DE JEAN MORÉNAS.

mesurer leur effort, ils chantaient la chanson de la Veuve. La Veuve, c’est la guillotine, veuve de tous ceux qu’elle tue :

Oh ! Oh ! Oh ! Jean-Pierre, oh !
Fais toilette !
V’là ! v’là ! l’barbier ! oh !
Oh ! Oh ! Oh ! Jean-Pierre, oh !
V’là la charrette !
Ah ! ah ! ah !
Fauchez Colas !

M. Bernardon attendit patiemment que les travaux fussent interrompus. Le couple qui l’intéressait profita du répit pour se reposer. Le plus vieux des deux forçats s’étendit de tout son long sur le sol, le plus jeune, s’appuyant sur les pattes d’une ancre, resta debout.

Le Marseillais s’approcha de lui.

« Mon ami, dit-il, je voudrais vous parler.

Pour s’avancer vers son interlocuteur, le numéro 2224 dut tendre sa chaîne, dont le mouvement tira le vieux forçat de sa somnolence.

— Hé donc ! fit-il, vas-tu te tenir tranquille ?… Que tu vas nous faire serrer par les renards !

— Tais-toi, Romain. Je veux parler à ce monsieur.

— Eh non, que je te dis !

— File un peu de ta chaîne par le bout.

— Non ! j’embraque ma moitié.