Page:Verne - Hier et demain, 1910.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
HIER ET DEMAIN.

imaginer, je n’éprouverais pas une surprise extraordinaire. Cependant, Mistress, si vous le désirez, je vais recueillir quelques renseignements que je vous transmettrai.

— Volontiers, me répondit-elle, et, pendant votre absence, je vérifierai ces bordereaux. »

Je laissai ma singulière compagne de voyage repasser ses additions avec la rapidité des caissiers de la Banque de New-York, lesquels, dit-on, n’ont qu’à jeter un coup d’œil sur une colonne de chiffres pour en connaître immédiatement le total.

Tout en songeant à cette organisation bizarre, à cette dualité de l’existence chez ces charmantes femmes américaines, je me dirigeai vers celui qui servait de cible à tous les regards, de sujet à toutes les conversations.

Quoique ses deux caisses dérobassent complètement à la vue l’avant du navire et le cours de l’Hudson, le timonier dirigeait le steamboat avec une confiance absolue, sans se préoccuper des obstacles. Pourtant, ils devaient être nombreux, car jamais fleuves, sans en excepter la Tamise, ne furent sillonnés par plus de bâtiments que ceux des États-Unis. À une époque où la France ne comptait en douane que douze à treize mille navires, où l’Angleterre atteignait un chiffre de quarante mille, les États Unis en comptaient déjà soixante mille, parmi lesquels deux mille bateaux à vapeur