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L’ÉTERNEL ADAM.

nés ici, n’auront jamais connu d’autre existence. L’humanité sera réduite à ces adultes — j’en ai sous les yeux, tandis que j’écris — qui ne savent pas lire, ni compter, à peine parler ; à ces enfants aux dents aiguës, qui semblent n’être qu’un ventre insatiable. Puis, après ceux-ci, il y aura d’autres adultes et d’autres enfants, puis d’autres adultes et d’autres enfants encore, toujours plus proches de l’animal, toujours plus loin de leurs aïeux pensants.

Il me semble les voir, ces hommes futurs, oublieux du langage articulé, l’intelligence éteinte, le corps couvert de poils rudes, errer dans ce morne désert…

Eh bien ! nous voulons essayer qu’il n’en soit pas ainsi. Nous voulons faire tout ce qu’il est en notre pouvoir de faire pour que les conquêtes de l’humanité dont nous fûmes ne soient pas à jamais perdues. Le docteur Moreno, le docteur Bathurst et moi, nous réveillerons notre cerveau engourdi, nous l’obligerons à se rappeler ce qu’il a su. Nous partageant le travail, sur ce papier et avec cette encre provenant de la Virginia, nous énumérerons tout ce que nous connaissons dans les diverses catégories de la science, afin que, plus tard, les hommes, s’ils perdurent, et si, après une période de sauvagerie plus ou moins longue, ils sentent renaître leur soif de lumière, trouvent ce résumé de ce qu’ont fait leurs devanciers. Puissent-ils alors bénir la mémoire de ceux qui s’évertuèrent, à tout hasard, pour abréger