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HIER ET DEMAIN.

« Hélas ! hélas ! s’écrie-t-elle, après avoir été une truite élégante, une rate qui a su plaire, être devenue une oie, une oie domestique, une de ces oies de basse-cour que n’importe quel cuisinier peut farcir de marrons ! »

Et elle soupirait à cette idée, ajoutant :

« Qui sait même si mon mari n’aura pas la pensée de le faire ? C’est qu’il me dédaigne, à présent ! Comment voulez-vous qu’un paon si majestueux ait la moindre considération pour une oie si vulgaire ? Si encore j’étais dinde !… Mais non ! Et Rata ne me trouve plus à son goût ! »

Et cela ne parut que trop, lorsque le vaniteux Rata entra dans la cour. Mais aussi quel beau paon ! Il agite sa légère et mobile aigrette, peinte des plus brillantes couleurs. Il hérisse son plumage, qui semble brodé de fleurs et chargé de pierres précieuses. Il déploie largement le superbe éventail de ses plumes et les barbes soyeuses qui recouvrent ses pennes caudales. Comment cet admirable oiseau pourrait-il s’abaisser jusqu’à cette oie si peu attrayante sous son duvet gris cendré et son manteau brun ?

« Mon cher Rata ! dit-elle.

— Qui ose prononcer mon nom ? réplique le paon.

— Moi !

— Une oie ! Quelle est cette oie ?…

— Je suis votre Ratane !