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HIER ET DEMAIN.

« Eh ! donc, vous là-bas, Joseph Müller ?

— Monsieur Valrügis ?… répondis-je.

— Qu’est-ce que vous écrivez pendant que je fais la leçon d’histoire ?

— Je prends des notes, Monsieur.

— Bien. »

La vérité est que je dessinais un bonhomme, tandis que le maître nous racontait pour la millième fois l’histoire de Guillaume Tell et du farouche Gessler. Personne ne la possédait comme lui. Le seul point qui lui restât à élucider était celui-ci : À quelle espèce, reinette ou calville, appartenait la pomme historique que le héros de l’Helvétie avait placée sur la tête de son fils, pomme aussi discutée que celle dont notre mère Ève dépouilla l’arbre du bien et du mal ?

Le bourg de Kalfermatt est agréablement situé au fond d’une de ces dépressions qu’on appelle « van », creusée sur le côté d’avers de la montagne, celui que les rayons du soleil ne peuvent atteindre l’été. L’école, ombragée de larges frondaisons, à l’extrémité du bourg, n’a point l’aspect farouche d’une usine d’instruction primaire. Elle est gaie d’aspect, en bon air, avec une vaste cour plantée, un préau pour la pluie, et un petit clocher où la cloche chante comme un oiseau dans les branches.

C’est M. Valrügis qui tient l’école, de compte à demi avec sa sœur Lisbeth, une vieille fille plus sévère que lui. Tous deux