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HIER ET DEMAIN.

— Et toi, la tienne, Joseph ! »

C’eût été malheureux, en effet. Et, après avoir soufflé dans nos doigts, nous filions à toutes jambes pour nous réchauffer. Par bonheur, il faisait chaud dans la classe. Le poële ronflait. On n’y épargnait pas le bois. Il y en a tant, au pied de la montagne, et c’est le vent qui se charge de l’abattre. La peine de le ramasser seulement. Comme ces branches pétillaient joyeusement ! On s’empilait autour. M. Valrügis se tenait dans sa chaire, sa toque fourrée jusqu’aux yeux. Des pétarades éclataient, qui accompagnaient comme une arquebusade l’histoire de Guillaume Tell. Et je pensais que si Gessler ne possédait qu’un bonnet, il avait dû s’enrhumer pendant que le sien figurait au bout de la perche, si ces choses-là s’étaient passées l’hiver !

Et alors, on travaillait bien, la lecture, l’écriture, le calcul, la récitation, la dictée, et le maître était content. Par exemple, la musique chômait. On n’avait trouvé personne capable de remplacer le vieil Eglisak. Bien sûr, nous allions oublier tout ce qu’il nous avait appris ! Quelle apparence qu’il vînt jamais à Kalfermatt un autre directeur de manicanterie ! Déjà le gosier se rouillait, l’orgue aussi, et cela coûterait des réparations, des réparations…

M. le Curé ne cachait point son ennui. Maintenant que l’orgue ne l’accompagnait