Page:Verne - Histoire des grands voyages et des grands voyageurs, Hetzel, 1870, tome 1.djvu/270

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circonstance il eût faite lui-même, autorisa Mendez et Fieschi à partir. Puis l’Amiral, n’ayant plus de navires, presque sans vivres, demeura avec son équipage sur cette île sauvage.

Bientôt la misère de ces naufragés — on peut leur donner ce nom — fut telle qu’une révolte s’ensuivit. Les compagnons de l’Amiral, aveuglés par les souffrances, s’imaginèrent que leur chef n’osait pas retourner à ce port de l’île Espagnole dont le gouverneur Ovando lui avait déjà refusé l’entrée. Ils crurent que cette proscription les frappait eux-mêmes comme l’Amiral. Ils se dirent que le gouverneur, en excluant la flottille des ports de la colonie, ne devait avoir agi que sur les ordres du roi. Ces raisonnements absurdes montèrent des esprits déjà mal disposés, et enfin, le 2 janvier 1504, le capitaine de l’une des caravelles, le trésorier militaire, deux frères nommés Porras, se mirent à la tête des mécontents. Ils prétendaient revenir en Europe et se précipitèrent vers la tente de l’Amiral, en criant : Castille ! Castille !

Colomb était malade et couché. Son frère et son fils vinrent lui faire un rempart de leurs corps. Les révoltés, à la vue du vieil amiral, s’arrêtèrent, et leur fureur tomba devant lui. Mais ils ne voulurent pas écouter ses remontrance et ses conseils ; ils ne comprirent pas qu’ils ne pouvaient se sauver que par une entente générale, et que si chacun, s’oubliant lui-même, travaillait pour le salut commun. Non ! Leur parti était pris de quitter l’île quand même et par n’importe quel moyen.