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LES CONQUISTADORES DE L’AMÉRIQUE CENTRALE

soldats, sous le commandement de Francisco Orellana. Mais, soit que la violence du courant ait emporté celui-ci, soit que, n’étant plus sous les yeux de son chef, il ait voulu devenir, à son tour, commandant d’une expédition de découverte, il n’attendit pas Gonzalo Pizarre au rendez-vous fixé et continua de descendre le fleuve jusqu’à ce qu’il arrivât à l’Océan. Une pareille navigation, à travers près de deux mille lieues de régions inconnues, sans guide, sans boussole, sans provisions, avec un équipage qui murmura plus d’une fois contre la folle tentative de son chef, au milieu de populations presque constamment hostiles, est vraiment merveilleuse. De l’embouchure du fleuve qu’il venait de descendre avec sa barque mal construite et délabrée, Orellana parvint à gagner l’île de Cubagua, d’où il fit voile pour l’Espagne. Si le proverbe : « a beau mentir qui vient de loin », n’avait été connu depuis longtemps, Orellana l’aurait fait inventer. Il débita en effet les fables les plus saugrenues sur l’opulence des pays qu’il avait traversés. Les habitants étaient si riches, que les toits des temples étaient formés de plaques d’or, assertion qui donna naissance à la légende de l’El-Dorado. Orellana avait appris l’existence d’une république de femmes guerrières qui avaient fondé un vaste empire, ce qui a fait donner au Marañon le nom fleuve des Amazones. Que si l’on dépouille, cependant, cette relation de tout ce ridicule et ce grotesque qui devaient plaire aux imaginations de ses contemporains, il n’en demeure pas moins établi que l’expédition d’Orellana est une des plus remarquables de cette épo-