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trois semaines aux pomotou.

bonheur de le posséder, ne pouvait avoir disparu, sans que cette disparition ne fit une grosse affaire. San-Diégo ne les a pas vus au jour indiqué, et San-Diégo a jeté le cri d’alarme. On s’est informé, et de l’enquête a résulté cette constatation, c’est que les artistes français étaient en cours de navigation à bord de l’île à hélice, après un enlèvement opéré sur le littoral de la Basse-Californie. Somme toute, comme ils n’ont pas réclamé contre cet enlèvement, il n’y a point eu échange de notes diplomatiques entre la Compagnie et la République fédérale. Quand il plaira au quatuor de reparaître sur le théâtre de ses succès, il sera le bien venu.

On comprend que les deux violons et l’alto ont imposé silence au violoncelle, lequel n’eût pas été fâché d’être cause d’une déclaration de guerre, qui eût mis aux prises le nouveau continent et le Joyau du Pacifique !

D’ailleurs, nos instrumentistes ont plusieurs fois écrit en France depuis leur embarquement forcé. Leurs familles, rassurées, leur adressent de fréquentes lettres, et la correspondance s’opère aussi régulièrement que par les services postaux entre Paris et New-York.

Un matin, — le 17 septembre, — Frascolin, installé dans la bibliothèque du casino, éprouve le très naturel désir de consulter la carte de cet archipel des Pomotou, vers lequel il se dirige. Dès qu’il a ouvert l’atlas, dès que son œil s’est porté sur ces parages de l’océan Pacifique :

« Mille chanterelles ! s’écrie-t-il, en monologuant, comment Ethel Simcoë fera-t-il pour se débrouiller dans ce chaos ?… Jamais il ne trouvera passage à travers cet amas d’îlots et d’îles !… Il y en a des centaines !… Un véritable tas de cailloux au milieu d’une mare !… Il touchera, il s’échouera, il accrochera sa machine à cette pointe, il la crèvera sur cette autre !… Nous finirons par demeurer à l’état sédentaire dans ce groupe plus fourmillant que notre Morbihan de la Bretagne ! »

Il a raison, le raisonnable Frascolin. Le Morbihan ne compte que