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trois semaines aux pomotou.

surface des attol. Mais ils ont un ennemi, et les excursionnistes parisiens l’ont bien reconnu, un jour qu’ils s’étaient étendus sur la grève du lac intérieur, dont les vertes eaux contrastent avec l’azur de la mer environnante.

À un certain moment, voici que leur attention d’abord, leur horreur ensuite, est provoquée par un bruit de reptation entre les herbes.

Qu’aperçoivent-ils ?… Un crustacé de grosseur monstrueuse.

Leur premier mouvement est de se lever, leur second de regarder l’animal.

« La vilaine bête ! s’écrie Yvernès.

— C’est un crabe ! » répond Frascolin.

Un crabe, en effet, — ce crabe qui est appelé birgo par les indigènes, et dont il y a grand nombre sur ces îles. Ses pattes de devant forment deux solides tenailles ou cisailles, avec lesquelles il parvient à ouvrir les noix, dont il fait sa nourriture préférée. Ces birgos vivent au fond de sortes de terriers, profondément creusés entre les racines, où ils entassent des fibres de cocos en guise de litière. Pendant la nuit plus particulièrement, ils vont à la recherche des noix tombées, et même ils grimpent au tronc et aux branches du cocotier afin d’en abattre les fruits. Il faut que le crabe en question ait été pris d’une faim de loup, comme le dit Pinchinat, pour avoir quitté en plein midi sa sombre retraite.

On laisse faire l’animal, car l’opération promet d’être extrêmement curieuse. Il avise une grosse noix au milieu des broussailles ; il en déchire peu à peu les fibres avec ses pinces ; puis, lorsque la noix est à nu, il attaque la dure écorce, la frappant, la martelant au même endroit. Ouverture faite, le birgo retire la substance intérieure en employant ses pinces de derrière dont l’extrémité est fort amincie.

« Il est certain, observe Yvernès, que la nature a créé ce birgo pour ouvrir des noix de coco…

— Et qu’elle a créé la noix de coco pour nourrir le birgo, ajoute Frascolin.