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l’île à hélice.

moustiquaires qui défendent le dormeur contre l’agaçante attaque des moustiques.

Quant aux maisons, il est facile de distinguer celles qui sont européennes de celles qui sont taïtiennes. Les premières, construites presque toutes en bois, surélevées de quelques pieds sur des blocs de maçonnerie, ne laissent rien à désirer en confort. Les secondes, assez rares dans la ville, semées avec fantaisie sous les ombrages, sont formées de bambous jointifs et tapissées de nattes, ce qui les rend propres, aérées et agréables.

Mais les indigènes ?…

« Les indigènes ?… dit Frascolin à ses camarades. Pas plus ici qu’aux Sandwich, nous ne retrouverons ces braves sauvages, qui, avant la conquête, dînaient volontiers d’une côtelette humaine et réservaient à leur souverain les yeux d’un guerrier vaincu, rôti suivant la recette de la cuisine taïtienne !

— Ah çà ! il n’y a donc plus de cannibales en Océanie ! s’écrie Pinchinat. Comment, nous aurons fait des milliers de milles sans en rencontrer un seul !

— Patience ! répond le violoncelliste, en battant l’air de sa main droite comme le Rodin des Mystères de Paris, patience ! Nous en trouverons peut-être plus qu’il n’en faudra pour satisfaire ta sotte curiosité ! »

Il ne savait pas si bien dire !

Les Taïtiens sont d’origine malaise, très probablement, et de cette race qu’ils désignent sous le nom de Maori. Raiatea, l’île Sainte, aurait été le berceau de leurs rois, — un berceau charmant que baignent les eaux limpides du Pacifique dans le groupe des îles Sous-le-Vent.

Avant l’arrivée des missionnaires, la société taïtienne comprenait trois classes : celle des princes, personnages privilégiés, auxquels on reconnaissait le don de faire des miracles ; les chefs ou propriétaires du sol, assez peu considérés, et asservis par les princes ; puis, le menu peuple, ne possédant rien foncièrement, ou,