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l’île à hélice.

chalance des attitudes, la douceur du sourire, la pénétration du regard, l’harmonieuse sonorité de la voix, et l’on comprendra pourquoi, dès que l’un répète :

« Tudieu, les beaux garçons ! » les autres répondent en chœur « Et quelles belles filles ! »

Lorsque le Créateur a façonné de si merveilleux types, aurait-il été possible qu’il n’eût pas songé à leur donner un cadre digne d’eux ? Et qu’eût-il pu imaginer de plus délicieux que ces paysages taïtiens, dont la végétation est si intense sous l’influence des eaux courantes et de l’abondante rosée des nuits ?

Pendant leurs excursions à travers l’île et les districts voisins de Papeeté, les Parisiens ne cessent d’admirer ce monde de merveilles végétales. Laissant les bords de la mer, plus favorables à la culture, où les forêts sont remplacées par des plantations de citronniers, d’orangers, d’arrow-root, de cannes à sucre, de caféiers, de cotonniers, par des champs d’ignames, de manioc, d’indigo, de sorgho, de tabac, ils s’aventurent sous ces épais massifs de l’intérieur, à la base des montagnes, dont les cimes pointent au-dessus du dôme des frondaisons. Partout d’élégants cocotiers d’une venue magnifique, des miros ou bois de rose, des casuarinas ou bois de fer, des tiairi ou bancouliers, des puraus, des tamanas, des ahis ou santals, des goyaviers, des manguiers, des taccas, dont les racines sont comestibles, et aussi le superbe taro, ce précieux arbre à pain, haut de tronc, lisse et blanc, avec ses larges feuilles d’un vert foncé, entre lesquelles se groupent de gros fruits à l’écorce comme ciselée, et dont la pulpe blanche forme la principale nourriture des indigènes.

L’arbre le plus commun avec le cocotier, c’est le goyavier, qui pousse jusqu’au sommet des montagnes ou peu s’en faut, et dont le nom est tuava en langue taïtienne. Il se masse en épaisses forêts, tandis que les puraus forment de sombres fourrés dont on sort à grand’peine, lorsqu’on a l’imprudence de s’engager au milieu de leurs inextricables fouillis.