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fidji et fidgiens.

ses lèvres dans le bol de kava, la liqueur fidgienne par excellence ? Bien que, pour être tiré de la racine desséchée du poivrier, ce kava pimenté soit inacceptable aux palais européens, il y a encore la manière dont on le prépare. N’est-elle pas pour exciter la plus insurmontable répugnance ? On ne le moud pas, ce poivre, on le mâche, on le triture entre les dents, puis on le crache dans l’eau d’un vase, et on vous l’offre avec une insistance sauvage qui ne permet guère de le refuser. Et, il n’y a plus qu’à remercier, en prononçant ces mots qui ont cours dans l’archipel : « E mana ndina », autrement dit : amen.

Nous ne parlons que pour mémoire des cancrelats qui fourmillent à l’intérieur des paillotes, des fourmis blanches qui les dévastent, et des moustiques, — des moustiques par milliards, — dont on voit courir sur les murs, sur le sol, sur les vêtements des indigènes, d’innombrables phalanges.

Aussi ne s’étonnera-t-on pas que Son Altesse, avec cet accent comico-britannique des clowns anglais, se soit exclamé en voyant fourmiller ces formidables insectes :

« Mioustic !… Mioustic ! »

Enfin, ni ses camarades ni lui n’ont eu le courage de pénétrer dans les cases fidgiennes. Donc, de ce chef, leurs études ethnologiques sont incomplètes, et le savant Frascolin lui-même a reculé, — ce qui constitue une lacune dans ses souvenirs de voyage.