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l’île à hélice.

l’addition. C’est au caissier Frascolin qu’elle est remise par un maître d’hôtel en habit noir.

Le deuxième violon jette les yeux sur le total, se lève, se rassied, se relève, se frotte les paupières, regarde le plafond.

« Qu’est-ce qui te prend ?… demande Yvernès.

— Un frisson des pieds à la tête ! répond Frascolin.

— C’est cher ?…

— Plus que cher… Nous en avons pour deux cents francs…

— À quatre ?…

— Non… chacun. »

En effet, cent soixante dollars, ni plus ni moins, — et, comme détail, la note compte les grooses à quinze dollars, le poisson à vingt dollars, les rumsteaks à vingt-cinq dollars, le médoc et le bourgogne à trente dollars la bouteille, — le reste à l’avenant.

« Fichtre !… s’écrie Son Altesse.

— Les voleurs ! » s’écrie Sébastien Zorn.

Ces propos, échangés en français, ne sont pas compris du superbe maître d’hôtel. Néanmoins, ce personnage se doute quelque peu de ce qui se passe. Mais, si un léger sourire se dessine sur ses lèvres, c’est le sourire de la surprise, non celui du dédain. Il lui semble tout naturel qu’un dîner à quatre coûte cent soixante dollars. Ce sont les prix de Standard-Island.

« Pas de scandale ! dit Pinchinat. La France nous regarde ! Payons…

— Et n’importe comment, réplique Frascolin, en route pour San-Diégo. Après-demain, nous n’aurions plus de quoi acheter une sandwiche ! »

Cela dit, il prend son portefeuille, il en tire un nombre respectable de dollars-papiers, qui, par bonheur, ont cours à Milliard-City, et il allait les remettre au maître d’hôtel, lorsqu’une voix se fait entendre :

« Ces messieurs ne doivent rien. »

C’est la voix de Calistus Munbar.