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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/141

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LES FÊTES DE LA PENTECÔTE.

— Sont-ce les forts qui vous retiennent ? insinua Don Hygino à l’oreille de Thompson. Ils ne sont guère dangereux. De la poudre et des pièces, ils en ont certainement. Pour des projectiles, c’est autre chose !

— Ils n’auraient pas de boulets ? dit Thompson avec incrédulité.

— Il leur en reste peut-être quelques-uns qui traînent, affirma Don Hygino à voix basse. Mais, quant à en avoir un seul qui entre dans les pièces !… Pas plus qu’aucun autre fort de l’archipel !

— Comment ! mon cher Hygino, s’écria le baronnet, vous, un Portugais, vous êtes notre allié dans cette circonstance !

— En ce moment, je ne suis qu’un voyageur pressé, répondit un peu sèchement Don Hygino.

Thompson était indécis. Il hésitait. Risquer une telle aventure, c’était une bien grosse partie. D’autre part, n’était-il pas vexant de voir le voyage interrompu, au mécontentement général des passagers et au grand dommage de l’Agence ? Un grincement de Saunders, un ricanement d’Hamilton, une nouvelle affirmation de Don Hygino achevèrent de le décider à l’audace. Il appela le capitaine Pip.

— Captain, lui dit-il, le navire est retenu, vous le savez, par ordre de l’autorité portugaise.

Le capitaine adhéra de la tête à cette proposition.

— Si,… pourtant,… moi,… Thompson, je vous ordonnais de partir, le feriez-vous ?

— À l’instant, monsieur.

— Vous êtes cependant sous les feux des forts d’Angra, vous ne l’ignorez pas.

Le capitaine Pip regarda le ciel, puis la mer, puis Don Hygino, et finalement se pinça le nez d’un air de souverain mépris. Il eût parlé, qu’il n’eût pas indiqué plus clairement qu’avec cette mer calme, cette nuit obscure, il se souciait comme un poisson