Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
L’AGENCE THOMPSON AND Co.

À la voix de Thompson, le capitaine s’était redressé sur son banc de quart.

— J’aurai le regret, monsieur, de vous désobéir pour cette fois, dit-il d’une voix hautaine qu’on ne lui connaissait pas. Ayant appareillé sur l’ordre de mon armateur, je suis désormais le seul maître à mon bord. Je conduirai ce navire au large, s’il plaît à Dieu. Par la barbe de ma mère, un capitaine anglais ne reculera pas.

De sa vie, le brave capitaine n’avait fait si long discours.

Conformément à ses instructions, le navire prit une allure modérée. Manœuvre de nature à surprendre, il ne s’élançait pas vers la mer. Formant, grâce à ses lumières, que le capitaine, au grand étonnement de tous, ne commandait pas d’éteindre, un but bien défini et facile à frapper, il se dirigeait sers le fort « Saint-Jean-Baptiste » en droite ligne.

Au reste, il fut bientôt évident que la ruse avait réussi. Rassurés sans doute par la direction suivie, les forts avaient cessé leur feu.

— La barre à bâbord toute ! commanda soudain le capitaine.

Et le Seamew, toujours illuminé, mit à toute vapeur le cap au large.

Aussitôt, trois coups de canon éclatèrent successivement, et pareillement inoffensifs. L’un des projectiles, lancés par le fort « Saint-Jean-Baptiste », passa en sifflant au-dessus de la pomme des mâts. Le capitaine se pinça joyeusement le nez. Sa manœuvre avait réussi. Ce fort était déjà réduit à l’impuissance, et, contre ses coups, la terre protégeait désormais le navire. Quant aux deux autres projectiles, envoyés par le « Morro do Brazil », le premier tomba à l’arrière du Seamew, et le second, le capitaine ayant stoppé sur place, égratigna la mer à deux encablures de l’étrave.

À peine ce cinquième coup de canon avait-il été tiré, que, sur l’ordre du capitaine, toute lumière, y compris les feux de position, s’éteignit subitement à bord du Seamew. Des prélarts re-