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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/146

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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

avec une extrême audace les rochers du « Morro do Brazil ». À cet endroit, un nouveau coup de sifflet eût été fatal. Mais, dès le début de l’action, le capitaine avait prudemment fait descendre l’inspecteur dans une cabine où il était gardé à vue avec les deux hommes de son canot.

Au reste, il semblait bien que tout danger fût écarté. Devenu maintenant à son insu le seul dangereux, le fort « Saint-Jean-Baptiste » ne tirait pas, tandis que le « Morro do Brazil » persistait à bombarder le vide dans la direction de son partenaire.

Le Seamew longea rapidement le rivage, confondu avec les roches sombres. Parvenu à l’extrémité de la pointe, il la contourna, et prit le large, droit au Sud, tandis que les deux forts, se décidant à recommencer leur inutile duo, envoyaient dans l’Est leurs boulets superflus.

Quand il fut à trois milles au large, le capitaine Pip se donna le plaisir d’illuminer brillamment le bord. Il fit ensuite remonter l’inspecteur, et l’invita à retourner dans son embarcation. Poliment, il l’escorta jusqu’à la coupée, puis, penché sur la lisse, la casquette à la main :

« Vous voyez, monsieur, crut-il devoir faire observer, bien que le malheureux inspecteur, ne sachant pas un traître mot d’anglais, fût hors délai d’apprécier la finesse de la remarque, comment un marin anglais joue à cache-cache avec des boulets portugais ? C’est ce que j’appelle une péripétie… J’ai bien l’honneur de vous saluer, monsieur. »

Cela dit, le capitaine coupa avec son propre couteau la bosse de l’embarcation qui dansa dans le sillage, remonta au banc de quart, donna la route au Sud-Est, puis, contemplant la mer, le ciel, et enfin Tercère, dont la masse noire disparaissait dans la nuit, il cracha dans la mer, orgueilleusement.