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UNE NOCE À SAINT-MICHEL.

il redevenait lui-même et s’abandonnait parfois à des causeries dans lesquelles il trouvait un charme toujours plus aigu. Lors de l’éboulement des Sept Cités, c’est au hasard seul qu’il avait reporté les remerciements d’Alice Lindsay. Hasard en tous cas singulièrement aidé par ses nouvelles habitudes, qui multipliaient les rencontres entre les deux sœurs et lui.

Mais, même en comptant ces indifférents au nombre de ses partisans résolus, Thompson était obligé de convenir que son armée était bien réduite, et il se torturait la cervelle à rechercher les moyens de mettre fin à une aussi lamentable situation. Le premier était évidemment un recours au consul britannique. Malheureusement l’interdiction d’avoir avec la terre la moindre communication le rendait impossible. Thompson tenta sans succès une démarche auprès du lieutenant commandant les forces de police à bord du Seamew. Il fallait attendre la perquisition. Jusque-là, rien à faire.

Le capitaine Pip assistait de loin au colloque qui aboutit à cette conclusion. Sans les entendre, il devinait les paroles des deux interlocuteurs, et, de colère, il pétrissait outrageusement le bout de son nez, tandis que ses prunelles divergeaient en un terrifiant strabisme. Voir son armateur réduit à cette humiliation de solliciter le bon vouloir d’un policier portugais, cela dépassait l’entendement du brave capitaine. Si Thompson l’eût consulté, assurément l’honnête marin eût conseillé quelque coup de tête, comme par exemple de sortir fièrement en plein jour, couleurs au vent, sous le canon des forts.

Mais Thompson ne songeait pas à recourir aux lumières de son capitaine. Tout entier à la conciliation, il s’efforçait de temporiser, en satisfaisant tout le monde. Tâche difficile, s’il en fût.

Quelqu’un de moins patient, c’était la pauvre Thargela. Sans ces malheureux incidents, le moment n’était plus éloigné où elle serait devenue la femme de Joachimo. L’envie la brûlait d’aller trouver cet officier inflexible, qui le serait moins peut-être pour