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SINGULIERS EFFETS DU MAL DE MER.

Alice en choisissant ses mots avec précaution, que peut-être avez-vous été blessé en me voyant recueillir sa fortune entière… Peut-être vous êtes-vous jugé lésé… dépouillé…

Jack Lindsay fit un geste de protestation.

— Je suis sur un terrain brûlant, continua Alice. Je fais tous mes efforts pour éviter de prononcer un seul mot qui puisse vous peiner. Il faudra me pardonner, si je n’y parviens pas. Peut-être aussi, d’un autre côté, vous êtes-vous trouvé gêné, qui sait ?… presque ruiné même. Il est naturel que vous ayez pensé alors à un mariage qui rétablirait vos affaires et réparerait en même temps ce qui est à vos yeux une injustice. Tout entier à ce projet, vous aurez pris alors pour de l’amour une simple affection familiale.

— Concluez, fit Jack d’une voix sèche.

— Eh bien ! Jack, si telle est la vérité, tout peut encore s’arranger. Puisque j’ai le bonheur d’être riche, très riche même, ne puis-je venir fraternellement à votre secours ? Ne puis-je… éteindre votre passif… s’il existe… vous aider ensuite dans la vie, et… finalement… vous constituer une dot vous permettant de trouver une femme mieux disposée que votre belle-sœur.

— Un os à ronger, gronda Jack, les yeux baissés.

— Que dites-vous ? s’écria Alice. Il faut donc que j’aie été bien malheureuse dans le choix de mes mots, pour obtenir une pareille réponse. Vous ne pouvez vous figurer quel chagrin…

Mrs. Lindsay ne put achever. Repoussant brusquement son fauteuil, Jack s’était levé.

— Trêve de simagrées, s’il vous plaît, prononça-t-il brusquement, l’œil mauvais, la voix dure. Inutile d’envelopper votre refus d’autant de fioritures. Vous me repoussez. N’en parlons plus. À moi d’examiner ce que j’ai à faire. »

Laissant sa belle-sœur, qui, très émue par cette scène et par la sortie violente qui la terminait, se réfugia dans la solitude calmante de sa chambre, Jack s’éloigna tout frémissant de colère. Peu à peu cependant, cette colère tomba, et il put alors examiner froidement sa situation.