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LE LEVER DE LA LUNE ROUSSE.

— Il n’y a plus de raison, répondit Thompson, de faire bénéficier M. Abel de la réduction consentie. Toutefois, dans un esprit de conciliation, et considérant que le voyage est en partie accompli, l’Agence a spontanément renoncé à la moitié de ce qui lui est dû. Vous pouvez constater que le compte s’élève à dix livres, pas un penny de plus. »

Ce disant, Thompson insinua délicatement sa note entre les doigts de son passager démoralisé, et, la bouche en cœur, il attendit la réponse. Le visage de Blockhead avait décidément perdu son habituelle sérénité. Quelle belle colère il aurait prise, pour peu que son âme placide eût été accessible à la violence de ce sentiment ! Mais Blockhead ne connaissait pas la colère. Les lèvres blanches, le front plissé, il demeurait silencieux, aplati, sous l’œil un peu narquois de Thompson.

Malheureusement pour lui, ce dernier avait compté sans son hôte. L’inoffensif Blockhead possédait de redoutables alliées. Tout à coup, M. l’Administrateur Général vit à deux pouces de ses yeux trois paires de griffes acérées, précédant trois bouches armées de crocs redoutables, tandis qu’un triple cri retentissait à ses oreilles. Mrs. Georgina et les douces misses Mary et Bess venaient au secours de leur chef.

Thompson se tourna du côté des assaillants, et, à la vue de ces visages convulsés par la fureur, il fut saisi d’une terreur panique. Rapidement, il battit en retraite. Tranchons le mot, il se sauva, laissant Mrs. Georgina, miss Bess et miss Mary se jeter dans les bras de Mr. Absyrthus Blockhead qui reprenait avec difficulté sa respiration.