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LE SECOND SECRET DE ROBERT MORGAND.

l’époque de la récolte de l’orseille, plante tinctoriale qui constitue une des richesses de cet archipel. Le nuage que vous voyez plus au Sud indique la place de la grande île de Lancelote. Entre Lancelote et Allegranza, on peut distinguer Graciosa, autre ilôt inhabité séparé de Lancelote par un étroit canal, le Rio, et Monta-Clara, simple rocher trop souvent funeste aux navigateurs.

— Grand merci, monsieur l’interprète, dit gravement Robert profitant du moment où Roger s’arrêtait essoufflé.

Les deux compatriotes se mirent à rire.

— Il est vrai, reprit Robert, que j’ai cruellement négligé mes fonctions depuis quelques jours. Mais aussi, pourquoi me faire perdre mon temps à traverser l’ile de Madère ?

— L’avez-vous donc si mal employé, votre temps ? objecta Roger, en montrant à son compagnon Alice et Dolly qui s’avançaient vers eux, enlacées.

La démarche ferme de Mrs. Lindsay montrait qu’elle avait retrouvé la plénitude de sa santé. Un peu de pâleur et quelques légères ecchymoses au front et aux joues demeuraient les derniers vestiges de l’aventure où elle avait frôlé de si près une épouvantable mort. Robert et Roger s’étaient élancés au-devant des deux Américaines, qui, en les apercevant, avaient détruit leur groupe harmonieux.

Alice pressa longuement la main de Robert et leva vers lui un regard plus éloquent que de verbeux remerciments.

— Vous, madame ! s’écria Robert. N’y a-t-il pas quelque imprudence à quitter sitôt votre chambre ?

— Aucune, répondit Alice avec un sourire, aucune, grâce à vous, qui m’avez si bien protégée aux dépens de vous-même, pendant notre voyage involontaire — involontaire pour moi, du moins, ajouta-t-elle en chargeant son regard d’un plus chaleureux remerciment.

— Oh ! madame, quoi de plus naturel ? Les hommes sont beaucoup moins fragiles que les femmes. Les hommes, vous comprenez…