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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/307

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OÙ LE SEAMEW S’ARRÊTE TOUT À FAIT.

arrivée. Les deux fléaux réunis ont tout brûlé, tout saccagé, tout dévasté. Si l’Agence s’est montrée un peu chiche sur les vivres, c’est qu’ils sont en effet très rares dans la Grande-Canarie.

— Allons donc ! répliqua l’implacable Saunders. Dites qu’ils sont chers.

— Mais n’est-ce pas la même chose ? demanda ingénument Thompson laissant voir ainsi le fin fond de son âme.

Cette naïveté jeta les passagers dans la stupeur.

— Vraiment ! répliqua Saunders. Enfin, nous réglerons cela à Londres. En attendant, il n’y a qu’une chose à faire. Partons sur-le-champ. Puisqu’on ne peut dîner à la Grande-Canarie, allons souper à Ténériffe.

— Bravo ! cria-t-on de toutes parts.

Thompson, du geste, réclama le silence.

— Sur ce point, dit-il, notre honorable commandant va vous répondre, messieurs.

— Il vous répondra qu’on ne peut partir, dit le capitaine Pip, et cela à son grand regret. Mais la machine a besoin d’un sérieux nettoyage, tous les joints sont à refaire, et ce travail, commencé aujourd’hui, demandera au moins trois jours. Nous ne pourrons donc quitter la Luz que le 7 juin, vers midi. »

La communication du capitaine avait glacé les courages. On échangeait des regards accablés. Encore trois jours à passer là, sans une excursion, sans une promenade ! « Et avec cette nourriture ! » ajoutait l’acharné Saunders.

Bientôt la tristesse lit place à la colère. Était-il admissible que l’Agence Thompson se jouât à ce point de ses souscripteurs ? Un murmure menaçant courait dans la foule des passagers, quand ils quittèrent la table et remontèrent sur le spardeck.

Au même instant, un grand steamer entrait dans le port. C’était un des paquebots réguliers faisant le service entre l’Angleterre et la colonie du Cap. Celui-ci retournait à Londres. La nouvelle en fut connue immédiatement à bord du Seamew.