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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

-Laurent manque un peu de ressources à d’autres égards. Il était fort heureux que le grand air eut aiguisé l’appétit des convives et leur fit ainsi découvrir des charmes au « gofio », qui constitua le plat de résistance. Sorte de bouillie de farine d’orge ou de blé fortement torréfiée et délayée dans du lait, ce mets national est, en réalité, d’un agrément contestable. Tous, la faim aidant l’accueillirent cependant avec plaisir, sauf toutefois l’irréconciliable Saunders, qui inscrivit sévèrement : gofio sur son éternel carnet. Lui imposer le « gofio » ! Rien que cela valait au moins cent livres d’indemnité !

Le déjeuner terminé, on se remit en selle. Mais l’ordre de marche avait subi quelques inévitables modifications. L’un des rangs, entre autres, comptait maintenant trois cavaliers : Tigg et ses deux vigilantes gardiennes.

Oui, grâce à une savante manœuvre, miss Margaret Hamilton avait été honteusement éliminée, et, de même que Mr. Absyrthus Blockhead, elle trottinait désormais solitaire, tandis que ses rivales victorieuses couvaient leur conquête d’un œil jaloux.

Cette révolution, d’ailleurs, ne s’était pas accomplie sans lutte. Quand Margaret, remontée à cheval, avait vu sa place occupée, une protestation était née dans son âme irritée.

« Mais, mademoiselle, avait-elle dit en s’adressant indifféremment aux deux sœurs, c’est ma place, je crois.

— À laquelle de nous faites-vous l’honneur… avait commencé miss Bess d’une voix aigre.

— … de vous adresser, mademoiselle ? avait achevé miss Mary également acide.

— Votre place n’est pas…

— … numérotée, je suppose ! »

Quant à Tigg, il n’avait rien entendu de ce dialogue en sourdine. Ignorant de la guerre déchaînée à son sujet, il se laissait faire comme d’habitude avec une aimable nonchalance, heureux après tout d’être ainsi dorloté.

Autre changement dans la succession primitive des excursion-