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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

Saunders fut obligé de constater que le déjeuner se maintenait à la hauteur. L’appétit aidant, la joie était générale parmi les convives, malgré un peu de fatigue. On n’y voulait pas songer. Convaincus de la proximité du sommet, tous s’extasiaient sur la facilité de l’ascension. Saunders entendait ces éloges amers, en implorant du sort clément l’apparition des premières difficultés.

Ses vœux malveillants avaient-ils été exaucés par celui qui préside aux destinées des Agences ? En tous cas, leur réalisation ne se fit pas attendre.

On venait, à peine le déjeuner terminé, de se remettre en route, au milieu des plaisanteries joyeuses provoquées par une agréable digestion, quand le chemin changea de caractère. Engagés dans le défilé du « Portillo », les touristes commencèrent à trouver l’ascension moins aisée. D’excellent, devenu très mauvais, s’allongeant de nombreux méandres, le sentier, très encaissé et coupé partie profonds ravins, était semé de scories et de pierres ponces sur lesquelles butaient fréquemment les mules.

Au bout de quelques minutes, cette montée fut, avec raison, jugée exténuante. Un quart d’heure plus tard, les derniers rires s’étaient éteints. Moins d’une demi-heure de marche après l’origine du défilé, des plaintes, d’abord timides, se firent entendre. N’allait-on pas voir la fin de cet infernal sentier ?

Mais les méandres succédaient aux méandres, les ravins aux ravins, sans que le but parût s’approcher. Il y eut des chutes, qui, bien que sans gravité, refroidirent le zèle des touristes les plus mûrs. Quelques-uns de ceux-ci songèrent à ne pas pousser plus loin. Ils hésitaient encore, cependant, personne n’osant être le premier fuyard.

Le clergyman Cooley fut celui-là. Soudain, il tourna bride courageusement, et, sans regarder en arrière, reprit avec calme la route d’Orotava.

Funeste effet de l’exemple ! Les vieilles mistress, les vieux gentlemen sentirent à cette vue décliner leur reste d’ardeur. De minute en minute, le nombre des poltrons augmenta. Un bon