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VIII

comme une lampe qui s’éteint.

C’était là une grave complication pour ces passagers et marins, que l’on commençait à pouvoir appeler des naufragés.

Que deviendrait-on, si la traversée se prolongeait ? En faudrait-il arriver à rééditer le radeau de la Méduse, à se nourrir les uns des autres ?

Vraiment cette hypothèse n’était pas inacceptable. Rien qu’aux regards de convoitise qui suivaient parfois le monumental Piperboom, il était évident que déjà cette idée avait germé dans plus d’un cerveau.

Infortuné Hollandais ! Être mangé est assurément tort pénible. Mais combien il doit sembler plus pénible de l’être sans savoir pourquoi !

Piperboom toutefois devait avoir au moins un faible aperçu de la situation. Dans les petits yeux qui trouaient le disque lunaire de son visage passaient des lueurs d’inquiétude, quand il lui fallait quitter la table subitement devenue moins abondante.

Mieux renseignés, ses compagnons de route n’en subissaient pas plus aisément le nouveau et frugal régime.

Lorsque le capitaine Pip, mis au courant par Thompson, eut transmis aux passagers la fâcheuse nouvelle, un concert de désespoir avait d’abord éclaté. En quelques mots précis et calmes, il s’efforça de rassurer le troupeau apeuré.

La situation était nette. Il restait des vivres pour un repas confortable. Eh bien ! au lieu d’un repas confortable, on en ferait quatre qui le seraient moins, voilà tout, et l’on arriverait ainsi