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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

— Comment ! s’écria-t-il, en admirant une telle prévoyance. Vous aviez songé à cela !

— Quand on voyage sous le pavillon de l’Agence Thompson, il faut songer à tout, » répondit Baker d’un air profond, en offrant généreusement à Robert de puiser dans ses richesses.

Celui-ci n’accepta que pour apporter son butin aux deux passagères américaines, qui lui firent largement honneur, sur l’assurance que leur providentiel pourvoyeur en avait pris sa part.

Les autres passagers, privés d’un tel secours, trouvaient le temps étrangement long. Aussi, quel cri de soulagement, quand, vers une heure de l’après-midi, le cri de « Terre ! » tomba enfin des barres de misaine.

On se crut sauvé, et tous les regards se tournèrent vers la passerelle. Le capitaine n’était pas à son poste.

Il était urgent cependant qu’il fût mis au courant. Un passager alla frapper à la porte de la cabine du commandant. Mais le commandant n’était pas dans sa cabine, non plus que dans aucune partie de l’arrière.

Ceci commençait à devenir inquiétant. Plusieurs touristes se répandirent dans les diverses parties du bâtiment, réclamant le capitaine à tous les échos. Ils ne le trouvèrent pas. Pendant ce temps, sans que l’on sût comment, la nouvelle se répandait à bord qu’un marin, envoyé dans la cale, y avait constaté trois pieds d’eau.

Alors, ce fut de l’affolement. On se précipita vers les embarcations d’ailleurs insuffisantes pour tant de monde. Mais le capitaine avait laissé des ordres en s’éloignant. On se heurta à des marins qui montaient la garde autour des canots, et le flot humain lut invinciblement refoulé sur le spardeck, où l’on eut tout le loisir de maudire, et Thompson, et le capitaine Pip, dont l’entêtement annihilait les derniers moyens de salut.

Thompson, lui non plus, n’était pas là. En voyant comment les choses tournaient, il s’était prudemment terré en quelque coin, et il y attendait en sûreté la fin de l’orage.