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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

tandis que la sonde ne cessait d’accuser des profondeurs constamment plus réduites.

« Dix brasses !… Fond de sable !… cria enfin l’homme de bossoir.

— Mouille ! » commanda le capitaine.

La chaîne fila bruyamment par l’écubier, puis le Seamew, évitant cap au Nord, demeura immobile.

Immobile, il l’était certes, et sans le plus petit mouvement de tangage ni de roulis, sur cette mer dont aucune ride ne ternissait le miroir. Un lac eût été moins paisible.

Mais un autre danger que celui de la tempête menaçait les touristes de l’Agence Thompson. Le navire qui les portait fuyait sous leurs pieds. L’eau, dont la cale était maintenant à demi pleine, montait peu à peu, et bientôt le pont arriverait au niveau de l’océan.

Il fallait se hâter d’aller chercher un refuge sur la terre ferme.

Toutefois, le Seamew étant capable, grâce au secours des pompes, de flotter de longues heures encore, le temps ne pressait pas outre mesure.

On put donc procéder à un débarquement méthodique. Sans bousculade, ni précipitation. On eut le loisir de vider les cabines. On n’oublia rien, jusqu’aux plus menus objets. Avant même de sauver les gens, on se donna le luxe de sauver les choses.

Vers sept heures et demie, tous les passagers étaient parvenus sains et saufs au rivage. Alignés en rangs d’oignons devant leurs bagages amoncelés, légèrement ahuris de l’aventure, ils contemplaient un peu bêtement la mer, sans trouver un mot à se dire.

Après avoir quitté son bord le dernier, comme le veulent les règlements maritimes, le capitaine Pip, Artimon sur ses talons, était avec ses marins, devenus ses égaux par l’abandon du navire. Lui aussi il contemplait la mer, bien qu’un observateur superficiel eût pu aisément s’y tromper. Jamais, en effet, le