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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/411

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COMME UNE LAMPE QUI S’ÉTEINT.

capitaine n’avait louché d’une manière si excessive, et jamais son nez n’avait passé un aussi mauvais quart d’heure.

Cependant, depuis que l’on avait abandonné les pompes, le navire enfonçait plus rapidement. En une demi-heure, l’eau eut envahi les hublots des cabines, puis monta… monta…

Ce fut à huit heures vingt exactement, à l’instant précis où le soleil atteignait l’horizon de l’Ouest, que le Seamew coula. Sans drame, sans agonie, il disparut tranquillement dans l’eau qui se referma sur lui avec mollesse. Un instant plus tôt, on le voyait, on ne le vit plus, voilà tout.

Les touristes regardaient, figés sur le rivage. Ils ne parvenaient pas à prendre tout cela au sérieux. Comme dit le poète, ils en demeuraient stupides.

Partir joyeusement pour les Canaries, et aboutir à un banc de sable dans l’archipel du Cap Vert, il n’y avait pas lieu de s’en vanter. Si encore ils avaient eu des tempêtes à combattre, même leur navire s’était éventré sur des récifs !… Mais non, rien de tout cela ne s’était produit. La nature n’avait cessé de se montrer bienveillante : ciel d’azur, brise légère, mer clémente, aucun atout n’avait manqué à leur jeu. En ce moment, particulièrement, il faisait le plus beau temps du monde…

Et cependant, ils étaient là.

Avait-on jamais entendu parler d’un naufrage pareil ? Pouvait-on imaginer quelque chose de plus absurde ?

Et les touristes restaient devant la mer, bouches bées, et, non sans raison, ils se jugeaient un peu ridicules.