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OÙ THOMPSON SE TRANSFORME EN AMIRAL.

va, je suppose, rapatrier ses passagers et nous embarquer tous sur le premier paquebot en partance.

— Les passagers, certainement, répliqua Robert, mais l’équipage et votre serviteur, c’est autre chose.

— Bah, bah ! conclut gaiement Roger, attendons pour nous mettre martel en tête qu’on ait rencontré le paquebot en partance. Voilà un paquebot auquel je crois peu. Ce serait trop simple. Moi, je m’en tiens au ballon qui me paraît infiniment plus probable. »

Vers une heure de l’après-midi, Thompson revint, amenant avec lui une vingtaine de charrettes de tous modèles, mais uniformément traînées par des mules et conduites par des nègres. On commença aussitôt le chargement des bagages.

L’Administrateur Général se montrait moins abattu qu’on eût pu le supposer en de telles circonstances. Son navire perdu, le rapatriement de près de cent personnes à payer de sa poche, il y avait là de quoi assombrir l’homme le plus jovial. Thompson pourtant ne semblait pas autrement attristé.

C’est que le malheur n’allait pas sans de sérieuses compensations. Si l’obligation de solder une centaine de passages constituait un sensible désagrément, la perte totale du Seamew était par contre un véritable coup de fortune. Bien assuré à des compagnies solvables, le vieux navire, Thompson se chargeait d’y parvenir, serait payé comme un neuf. Le naufrage deviendrait ainsi une fructueuse opération, et l’Administrateur Général ne doutait pas que le compte se balançât finalement par un important bénéfice.

Ce bénéfice, l’Agence l’empocherait sans remords. Il viendrait grossir le magot déjà rondelet qu’une infatigable économie avait permis d’entasser dans cette sacoche que Thompson portait en bandoulière depuis l’atterrissage. Dans cette sacoche, les soixante-deux mille cinq cents francs versés par les passagers, en tenant compte de la demi-place du jeune Abel, étaient venus s’engouffrer au départ. Depuis lors, il est vrai, quelques bank-