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EN QUARANTAINE.

Un bruit de voix la tira de cette méditation. Deux personnes parlaient de l’autre côté du rocher sur lequel elle s’était machinalement appuyée, et, dans les deux interlocuteurs, Mrs. Lindsay reconnut Roger de Sorgues et Robert Morgand.

Son premier mouvement fut de se montrer. Ce qu’elle entendit l’en empêcha. Intriguée, Mrs. Lindsay écouta.

Robert avait suivi son compatriote avec l’indifférence qu’il apportait malgré soi à beaucoup de choses. Il marcha tant que Roger voulut marcher. Il s’assit quand Roger en manifesta le désir. Mais celui-ci connaissait le moyen d’éveiller l’attention de son indolent compagnon.

« Ouf ! dit l’officier en s’arrêtant, il fait chaud dans ce satané pays. Un peu de farniente me paraît indiqué. Qu’en dites-vous, mon cher Gramond ?

— Gramond ?… répéta de l’autre côté du rocher Alice étonnée.

Robert, acquiesçant du geste, avait obéi silencieusement à l’invitation.

— Ah çà ! dit brusquement Roger, sommes-nous encore pour longtemps ici ?

— Ce n’est pas à moi qu’il faut le demander, répondit Robert en ébauchant un sourire.

— Ce n’est pas mon avis, répliqua Roger, car, si le séjour dans cette île caboverdienne — mon Dieu, quel fichu nom ! — n’a rien de bien séduisant pour personne, il doit être particulièrement désagréable pour Mrs. Lindsay et pour vous.

— Pourquoi cela ? demanda Robert.

— Renieriez-vous donc les confidences que vous m’avez faites certain soir, en longeant les rivages des îles Canaries ?

— Jamais de la vie, répondit Robert. Mais je ne vois pas…

— C’est très clair dans ce cas, interrompit Roger. Puisque vous aimez, toujours Mrs. Lindsay, — car vous l’aimez, n’est-ce pas ?

— Certes ! affirma Robert.

— Fort bien !… Je reprends : Puisque vous aimez Mrs. Lindsay et que, d’autre part, vous êtes absolument décidé à ne pas l’en