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EN QUARANTAINE.

Il ne fallait pas songer à de sérieuses excursions dans l’intérieur de l’île, que ne traversent que de rares et très mauvaises routes. Mais les environs immédiats de la Villa da Praya étaient accessibles, et les quatre touristes les visitèrent en tous sens.

Une journée fut consacrée à la ville de Ribeira Grande, ancienne capitale de l’île et de l’archipel, détruite en 1712 par les Français. Ribeira Grande, d’ailleurs encore plus insalubre que la Praya, ne s’est jamais bien relevée de ses ruines depuis cette époque, et sa population n’a cessé de décroître. Elle est aujourd’hui tombée à un chiffre insignifiant. On a le cœur serré en passant dans les rues désertes de la ville déchue.

Les autres jours, on parcourut les nombreuses vallées qui entourent la capitale. Dans ces campagnes médiocrement cultivées, habite une population exclusivement nègre, à la fois catholique et païenne, au milieu des végétations de son pays d’origine. Ce ne sont que palmiers, bananiers, goyaviers, cocotiers, papayers, tamariniers, à l’ombre desquels s’élève une multitude de cases africaines, qui ne se groupent nulle part jusqu’à constituer un misérable village.

Pendant ces quatre derniers jours, la chance qui jusque-là avait protégé les voyageurs contre l’épidémie sembla les abandonner. Le 2 juillet, deux d’entre eux, Mr. Blockhead et sir George Hamilton, se réveillèrent la tête lourde, la bouche pâteuse, et souffrant de douloureux vertiges. Un médecin aussitôt appelé ne put que diagnostiquer un cas grave de la fièvre régnante. Ce fut une nouvelle cause de terreur pour les autres. Chacun se dit : « À quand mon tour ? »

Le lendemain était le jour fixé pour le départ. Dès le matin, les touristes, à leur grande surprise, eurent peine à reconnaître le pays dans lequel ils se réveillaient. Le ciel était d’un jaune d’ocre, les contours indécis des objets se devinaient à peine à travers un brouillard de nature particulière, qui vibrait dans l’air surchauffé.

« Ce n’est que du sable amené par le vent d’Est, » répondirent les indigènes consultés.