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OÙ THOMPSON N’EN A PAS POUR SON ARGENT.

ponctualité des repas était l’essentiel à ses yeux. Bien qu’elles fussent contraires à ses goûts et aux usages de la marine, il avait conservé les heures adoptées par son prédécesseur. Par ses soins, la cloche sonnerait comme autrefois à huit heures, à onze heures et à sept heures du soir.

Toutefois, il ne pouvait être question, malgré son désir, d’avoir une table correcte. À peine si le carré était suffisant pour une douzaine de convives. Il fut donc entendu que chacun s’accommoderait de son mieux sur la dunette ou sur le pont en des groupes au milieu desquels passerait l’ancien personnel du Seamew devenu celui de la Santa-Maria. D’ailleurs, cet inconvénient n’allait pas sans charmes. Ces repas en plein air s’égayeraient d’une apparence de parties de plaisir. En cas de mauvais temps, on en serait quitte pour se réfugier dans le dortoir de l’entrepont. Mais la pluie ne serait plus à craindre, dès qu’on aurait quitté les parages des iles du Cap Vert.

Au cours de ce déjeuner auquel Thompson ne participa en aucune façon, le capitaine Pip fit une proposition inattendue.

Ayant réclamé l’attention, il rappela d’abord ses réserves touchant les dangers d’un pareil voyage sur un navire tel que la Santa-Maria. Puis il avoua que, ébranlé par la responsabilité énorme qui pesait sur lui, il avait eu un moment la pensée de rallier, non pas la côte espagnole ou portugaise, mais tout simplement la ville de Saint-Louis, au Sénégal. Toutefois, il n’avait pas cru devoir proposer cette combinaison, en raison du vent d’Est qui s’était mis à souffler, rendant cette relâche presque aussi longue à atteindre que l’une des Canaries ou même un port européen. Mais, à défaut de Saint-Louis, ne pouvait-on aller à Porto Grande de São-Vicente ? Pour cela, le capitaine n’avait qu’à laisser porter de deux quarts, et avant la nuit tout le monde serait à terre, en sûreté, avec la certitude d’un prochain paquebot.

La communication du capitaine Pip fit d’autant plus d’effet, qu’il n’avait pas accoutumé jusqu’ici à d’inutiles paroles. Il fal-