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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/468

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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

Le choc l’avait cassée en deux. Une énorme blessure déchirait ses flancs. Plus rien ne demeurait sur le pont, rompu vers son milieu. Tout avait été emporté, sièges, chaloupe, canots, et jusqu’à la mâture, dont quelques restes pendaient encore à des haubans brisés.

Tel est le spectacle qui s’offrit aux yeux des passagers et les plongea dans un accablement désespéré.

Ce fut comme de coutume l’impassibilité de leur capitaine qui leur rendit un peu de courage et d’espoir. En compagnie de Mr. Bishop complètement remis de ses brûlures, il se promenait à pas comptés sur le sable lorsque le soleil se leva. En peu d’instants, les deux promeneurs furent entourés du cercle silencieux des passagers.

Dès que tout le monde fut rassemblé autour de lui, le capitaine procéda d’abord à un appel général. Un éclair de satisfaction passa dans ses yeux, lorsqu’il se fut ainsi assuré que personne ne manquait. La maison était détruite, mais ses habitants étaient saufs, et cet heureux résultat était dû en grande partie à sa prévoyance. S’il avait toléré que l’on restât sur le pont, que de victimes n’aurait pas faites la chute effroyable de la mâture ?

L’appel terminé, le capitaine exposa brièvement la situation.

Par un de ces raz-de-marée que les cyclones provoquent si fréquemment, la Santa-Maria avait été jetée sur la côte d’Afrique, de telle façon que son renflouement devait être considéré comme irréalisable. On était, en conséquence, dans l’obligation de l’abandonner et de commencer par terre un voyage dont l’issue demeurait fort aléatoire.

La côte d’Afrique a, en effet, une déplorable réputation, et il faut reconnaître qu’il n’en est pas de plus méritée.

Entre le Maroc au Nord et le Sénégal au Sud, s’étendent les douze cents kilomètres des fixages sahariens. Celui que sa mauvaise étoile fait aborder en un point quelconque de cette étendue sablonneuse, sans eau et sans vie, que parsème une rare et grêle végétation, a encore à redouter les hommes, qui viennent