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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/474

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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

s’alignèrent sur la grève où elles furent disposées en une sorte de retranchement.

Le capitaine Pip avait, en effet, résolu qu’on attendrait sur place le retour de Robert Morgand. S’il admettait qu’il aurait été possible d’emporter avec soi assez de vivres pour accomplir le parcours, il n’avait trouvé, au contraire, aucune solution au problème de l’eau, et cette difficulté insurmontable avait dicté sa décision. On ne possédait pas assez de gourdes ni assez d’outres pour prémunir contre la soif un aussi grand nombre de personnes. Et, quant à traîner avec soi des tonneaux d’eau, c’était une entreprise irréalisable. Sur place, au contraire, on n’aurait qu’à puiser à ces tonneaux, et on pouvait le faire pendant un mois sans crainte de les tarir. Il n’y avait donc aucune imprudence à retarder le départ de quelques jours. Si, au bout du temps qu’il avait fixé lui-même, Robert Morgand n’était pas de retour, alors il conviendrait de prendre, coûte que coûte, un parti énergique. Jusque-là, les caisses de vivres et les tonneaux remplis d’eau ou d’alcool formeraient un rempart appuyé à la mer par ses deux extrémités et à l’abri duquel une troupe aussi nombreuse n’aurait à redouter aucune surprise.

Toute la journée se passa dans ces transbordements et dans ces préparatifs. L’inclinaison de la Santa-Maria compliquait beaucoup le travail et doublait la peine des travailleurs. Le soleil se coucha, comme la dernière tente s’élevait au milieu d’un retranchement sans solution de continuité.

En raison de la sécurité inspirée par la tranquillité de la nuit précédente, et qu’augmentaient encore les modifications apportées au campement, le capitaine Pip autorisa dans la garde de nuit un changement nécessité par l’excessive fatigue de son équipage surmené. Au lieu de se relayer par bordée, deux hommes seulement veilleraient et se remplaceraient d’heure en heure. Ainsi seraient diminuées les chances de voir les grand’gardes succomber au sommeil, deux hommes suffisant d’ailleurs à donner l’alerte avec les nouvelles dispositions adoptées.