Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
476
L’AGENCE THOMPSON AND Co

naison qui m’a été proposée. Quel inconvénient peut-il y avoir à mettre deux chances de notre côté ?

— Je crois vous avoir dit, repartit Alice, que j’avais deux objections à formuler contre votre projet. Je ne vous ai dit que la première.

— Quelle est donc l’autre ?

— La seconde objection, formula Alice en se redressant de toute sa taille, c’est que je blâme formellement le choix du messager. Non seulement je ne favoriserai pas votre départ en vous remettant les lettres que vous me demandez, mais encore je m’y opposerai de tout mon pouvoir, en commençant par réduire votre mensonge à néant.

— Vraiment, Alice, insista Jack, devenu livide en voyant s’écrouler ses projets, quel motif avez-vous d’agir ainsi ?

— Le meilleur de tous, dit Alice. La conviction où je suis que vous ne reviendriez pas.

Jack, terrifié, recula jusqu’à la paroi de la tente. Ses intentions percées à jour, son plan devenait irréalisable. Il tenta cependant un dernier effort.

— Quelle effroyable accusation, Alice ! s’écria-t-il en cherchant à mettre de la douleur dans sa voix. Que vous ai-je fait pour que vous me suspectiez ainsi ?

— Hélas ! répondit tristement Alice, je me souviens du Curral das Freias !

Le Curral das Freias ! Ainsi donc, Alice avait vu, et, depuis lors, avertie, elle avait pu lire, comme dans un livre, dans l’âme malsaine de son beau-frère.

Celui-ci comprit sur-le-champ que la partie était perdue. Il n’essaya pas une justification à l’avance inutile. Tout son cœur de boue lui remonta aux lèvres.

— Soit ! siffla-t-il. Mais je ne conçois pas que vous ayez l’aplomb de me reprocher le Curral das Freias. Sans moi, auriez-vous été sauvée par un beau jeune homme, comme dans les romans ?

Alice, indignée, dédaigna de répondre au venimeux insulteur.